Initialement réalisée dans le cadre d'une étude qui comporte également une série en couleur, pour une commande publique portant sur le cinquantenaire de la mort de Georges Braque, L’esprit des lieux-Varengeville retrace une promenade dans les pas du peintre, autant que dans le passé.
Inhumé à Varengeville–sur–Mer, Georges Braque y a fait construire une maison et un atelier en 1929. Cette série de 15 images en noir et blanc représente les habitations que l’on trouve au bord des routes et chemins qui mènent à la mer, aux pâturages et aux champs que Georges Braque a peints et qu'il croisait lors de ses nombreuses promenades. Le choix du noir et blanc fait naturellement écho à la palette parfois très sombre de Braque en Normandie, autant qu'aux photos de ses amis Doisneau ou Brassaï lorsqu’ils le représentent à Varengeville. Au delà de ces résonances, le noir et blanc nous permet d’évoquer plus directement le passé et les liens, réels ou supposés, de Georges Braque avec les habitations de Varengeville et leurs occupants. Outre le fait que ces mêmes photographies auraient pu être prises à l’époque de Braque, ces maisons sont le témoin de sa présence passée et semblent porter leur histoire dans la pierre. La distance qu’induisent les jardins fait que nous nous trouvons devant ces maisons comme aujourd’hui devant le portail de la maison de Georges Braque, empêchés du regard par la végétation. Cette distance donne un côté mystérieux, intrigant et silencieux aux habitations photographiées, comme si, observant à bonne distance et dans l’ombre pour ne pas déranger la tranquillité des lieux, on attendait que les maisons nous livrent les secrets du passé ou que re-surgisse quelque fantôme oublié.
Parallèlement, une série de 10 photographies en couleur représentant plus spécifiquement le paysage, ramène plus directement à un Georges Braque amoureux de la nature et de la couleur, ainsi qu’à ses promenades. Ces photographies retracent l’idée d’un parcours paysager à travers Varengeville, qui va du cimetière marin aux champs cultivés, en passant par les falaises et la mer. Si le vert, l’ocre, le jaune, le bleu et le gris semblent directement empruntés à la palette de Braque, c’est avant tout la beauté, la multiplicité et la sérénité des paysages qui nous ont dicté le choix des images. En effet, la mer, les falaises et la campagne, présentes toutes ensemble à Varengeville, s’offrent sur le même territoire sans jamais se laisser englober du regard et donc, nous invitent sans cesse vers un ailleurs, un autre paysage, qui reste pourtant partout à portée de main. Nous avons pensé les 10 images de cette série comme une promenade rêvée aux côtés de Braque. Les vaches normandes ont certes laissé place aux charolaises mais le monde paysan, la présence animale et végétale, les couleurs du paysage, l’univers qui a su charmer Braque, est toujours là, immuable, du moins, nous nous plaisons un instant à le rêver. Si le choix de réaliser cette série en couleur nous permet de rendre compte de l’abondance de la nature à Varengeville, il établit également un lien avec la picturalité du paysage et ancre ces images dans notre époque. Quant à la vue du cimetière marin, elle nous rappelle de manière concrète la présence physique de Braque à Varengeville, tout en traduisant le sentiment de calme, de tranquillité et d’infini que nous y avons personnellement rencontré et que nous souhaitions capter et restituer à travers cette série. |